S’interroger à l’âge adulte sur son enfance, son rapport aux autres enfants, à l’école, sentir que, dans son parcours scolaire, on est peut-être passé à côté de ses capacités, ou que les autres n’ont pas décelé quelque chose de fondamental chez nous, c’est un parcours complexe. C’est peut-être aussi parfois confronté au développement de son enfant, lui-même en difficulté à l’école, mais qui semble comprendre tout très vite, que l’on se met à s’interroger sur son éventuel haut potentiel. Dans tous ces cas, un test de QI et un accompagnement thérapeutique peuvent permettre d’avancer et repenser aussi le regard que l’on porte sur soi.
La question du haut potentiel va bien au-delà d'un questionnement sur l'intelligence
En dehors de la classe, une averse frappe la fenêtre. À l’intérieur, Jean, 14 ans, tape avec son pied le rythme de la pluie. En silence, le reste de la classe travaille sur les problèmes assignés de maths. Jean a terminé son travail parfaitement, en une fraction du temps imparti. En imaginant une mélodie, Jean commence à taper son bureau avec son crayon, suscitant l’exaspération de ceux qui l’entourent. Jean semble ignorer que ses habitudes agacent les gens. Il est déjà loin dans ses pensées. Jean est également offusqué par ses camarades de classe. Il aimerait avoir plus de facilités pour se faire des amis au collège, mais il est dans le constat permanent que ses centres d’intérêt sont complètement différents des leurs. Il reste assez perplexe, toujours assez éloigné du groupe. À l’école, et partout, c’est difficile. Devenu adulte, il reste dans un état de perplexité qui demeure face au monde qui l’entoure. À 43 ans, Jean a été évalué et considéré surdoué, à « Haut Potentiel Intellectuel » ou « Zèbre ».
La définition d’un Haut Potentiel Intellectuel (HPI) la plus courante parmi les professionnels est celle fondée sur le Quotient Intellectuel (QI). Un individu est considéré surdoué, ou à HPI si son QI dépasse le chiffre de 130, après l’évaluation avec des tests psychométriques validés (le WISC ou la WAIS sont les seuls reconnus officiellement en France).
Le Quotient Intellectuel de Jean est de 145. A priori, cela peut sembler positif et, sans aucun doute, Jean le pense. Jean sent que, dans son cas personnel, il n’a toujours pas su exploiter tout le potentiel qu’il aurait pu atteindre. Pour pouvoir s’en servir au mieux, il aurait fallu le dépister et l’interpréter plus vite. Jean n’a pas su s’accepter et se reconnaître dans sa différence. De nombreux adultes, comme Jean, sont diagnostiqués tardivement et cela est douloureux pour le temps perdu. Quelle aurait été la vie de Jean, et de toutes ces autres personnes, si ce potentiel considérable avait été détecté bien avant ? Quelles auraient pu être leurs réalités personnelle, sociale et professionnelle avec un aide et un guide ?
La sensibilité exacerbée des personnes HPI ou THPI
Le nombre d’adultes à Haut Potentiel Intellectuel (surdoués ou « zèbres ») qui souffrent d’interminables tourments psychologiques, dont la vie est abîmée, est élevé. La sensation de décalage relationnel ressentie par ces personnes à haut potentiel, entraîne très souvent un isolement social et une hypersensibilité qui leur donne un sentiment d’être déconnectés, séparés et différents des autres et qui les pousse à toujours se remettre en question. Ils ont des personnalités atypiques, et une manière différente de penser, un mode spécifique de percevoir, de comprendre et d’analyser le monde ; avec une grande vulnérabilité émotionnelle. Les personnes à Haut Potentiel ont un besoin irrésistible de connaître et d’expliquer. Ils ont une capacité de voir au-delà de la majorité et la propension à ressentir des sentiments et des pensées d’introspection qui les laisse à peine en paix. Ils ont une conviction intime « d’être nulles », même si d’autres les considèrent intelligents. Sur le plan professionnel, leur savoir et leurs ambitions peuvent parfois les pousser à bloquer leur travail par peur de ne pas atteindre la perfection visée, à travailler plus lentement ; à prendre en grippe les personnes plus intéressées par le « faire vite » que par le « faire bien » ; à être distants et hautains et donc à rendre le travail en équipe compliqué. Dawrovsky (psychologue, psychiatre et médecin polonais) a développé la « Théorie de la Désintégration Positive », qui établit que les personnes ayant un » potentiel de développement » plus élevé sont prédisposées aux crises personnelles et émotionnelles, en raison d’une plus grande réactivité de leur système nerveux, et d’une compréhension et conscience amplifiées de la signification de la vie. Les études avec des techniques de IRMf montrent que les cerveaux à HPI ou surdoués ont une plus grande quantité de matière grise, qui est responsable de l’enregistrement des informations, ainsi que d’une augmentation des voies de la substance blanche (qui permettent le transfert d’informations), par rapport au reste de la population. Cette expansion et cette plus grande connectivité peuvent également expliquer pourquoi les individus surdoués semblent utiliser les informations émotionnelles différemment et pourquoi les informations émotionnelles imprègnent tous les domaines du fonctionnement intellectuel. Cela peut aussi expliquer la fréquence à laquelle les individus avec un QI élevé éprouvent des réactions émotionnelles accrues, y compris la dépression et l’anxiété.
Que faire ? Comment se comprendre comme HPI ou THPI ? Comment s'accepter ?
Si vous êtes surdoué ou HP, vous ne souffrez en aucun cas d’une pathologie ni d’un trouble de la personnalité. Vous avez clairement une variété de personnalité, une singularité qui peut être associée à un niveau de souffrance et qui peut comporter les formes classiques de troubles psychologiques. L’impossibilité à dompter les pensées négatives, la tendance à ruminer beaucoup, l’isolation sociale et une hypersensibilité font le bon nid des obsessions. L’absence de contrôle des pensées, génère des sensations physiques : palpitations, douleurs thoraciques, sueurs, tremblement, malaise, gestes incontrôlés. Une spirale insupportable. L’angoisse monte, les pensées morbides surgissent et deviennent de plus en plus destructrices avec une tendance à l’inaction. L’angoisse bloque l’action. Une action qui canaliserait justement cette angoisse insensée. Ce cercle vicieux peut être coupé proprement. Si votre potentiel intellectuel, incarne « une force fragile » (selon Siaud-Facchin, Trop intelligent pour être heureux ? L’adulte surdoué ), cette personnalité atypique qui est la vôtre, a des besoins considérables et incontournables de reconnaissance, de compréhension, d’amour, de bienveillance, etc. Il faut demander de l’aide, car une nourriture émotionnelle et affective, nécessaire à la construction d’une solide estime de soi et d’une image de soi cohérente et positive, est indispensable pour le développement de l’efficacité dans les relations interpersonnelles. Un accompagnement et un suivi adaptés aideront les personnes surdouées ou à HPI à modifier leurs modèles comportementaux, émotionnels, cognitifs et relationnels dysfonctionnels associés aux difficultés de la vie. Un traitement thérapeutique est essentiel afin d’aider les individus HP à améliorer leurs aptitudes, en augmentant leurs compétences comportementales et relationnelles.
En conclusion, avoir un haut potentiel intellectuel n’est pas une garantie de réussite, ni au niveau personnel ni au niveau social ou professionnel. Mais avec un dépistage et un guide thérapeutique adéquats, un QI supérieur sera un privilège, un avantage à utiliser et à investir dans son propre épanouissement et sa réussite personnelle.
Alexandra OSORIO
Docteur en Psychologie
Spécialiste dans l'accompagnement des individus haut potentiel
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